Rémi Lacombe, composition pour quatuor à cordes

Concours de composition au Musée des Beaux-Arts

LEMOYNE François, Pygmalion voyant sa statue animée

 

Rémi :

"Je suis né le 31 juillet 2000 à Clermont-Ferrand. En 2007, deux ans après mon premier contact avec la musique, je commence à étudier la trompette au Conservatoire Emile Goué de Guéret (Creuse). Assez rapidement, mon intérêt se porte sur d’autres disciplines qui me permettent d’élargir ma pratique et ma compréhension de la musique, notamment la formation musicale, le jazz et la musique assistée par ordinateur. Après l’obtention de mon baccalauréat scientifique avec mention Très Bien en 2018, je poursuis mes études en licence de musicologie parcours musicien interprète à Tours, formule qui me permet de naviguer entre l’Université François Rabelais et le Conservatoire Francis Poulenc. En plus de la pratique instrumentale, j’éprouve un attrait particulier pour les disciplines d’érudition et de création (formation musicale, écriture, harmonie, improvisation, direction d’orchestre), du fait de l’éclairage qu’elles jettent sur le matériau musical en lui-même et sur les processus créatifs qui lui sont consubstantiels.

Vous avez dit musique « illustrative » ?
Si, comme le disait Stravinsky, la musique est « par essence impuissante à exprimer quoi que ce soit », d’où vient son pouvoir d’illustration et d’évocation ? Quid de l’opéra ? Du poème symphonique et du cinéma ?
Sans doute cette propriété illustrative de la musique ne tient-elle pas tant à sa capacité intrinsèque à peindre avec fidélité une impression, un sentiment ou une atmosphère qu’au pouvoir d’association qu’elle exerce sur notre sensibilité. Ainsi, tout en demeurant absolument autonome, une œuvre musicale est paradoxalement susceptible de tous les mariages, des plus attendus aux plus fantaisistes : lorsqu’elles se sont couplées dans notre esprit, deux œuvres se complètent avec une évidence telle qu’il semble qu’elles n’aient jamais été dissociées. Voulez-vous une symphonie ? Nous en avons des pastorales, des fantastiques et des pathétiques. Vous êtes-vous déjà demandé en quoi consiste l’emploi-du-temps d’un faune, ou ce que pouvait bien dire ce bon vieux Zarathoustra ? Nous avons de quoi vous renseigner ! Ainsi donc pourquoi, si l’on consent en toute bonne foi à voir en la musique exprimées toutes ces choses, s’indignerait-on que nous soit narré le mythe de Pygmalion et Galatée par un quatuor à cordes ?

Le mythe de Pygmalion et Galatée revisité à quatre voix
Quoi de plus à propos lorsque l’on parle de peinture du XVIIIe siècle que de réhabiliter le style classique qui s’est développé en musique après 1750, de plus agréable aussi que de réinvestir des territoires si familiers tout en y ajoutant une touche personnelle ? Manque d’originalité pour certains, qui aiment à voir en la provocation le salut de la création artistique, simple exercice de style pour d’autres… En tout cas entreprise modeste que j’espère digne de quelque intérêt. D’autant que la forme sonate des premiers mouvements de quatuors trouve ici une résonnance remarquable avec le mythe de Pygmalion et Galatée, en particulier du fait du rapport de tension-résolution qui sous-tend cette forme à grande échelle, et de la succession exposition-développement-réexposition qui en découle. Du reste, le triptyque exposition-nœud-dénouement n’est-il pas au fondement de bien de drames ?
La pièce que vous allez entendre s’articule autour de deux thèmes correspondant aux deux protagonistes du mythe qui nous occupe. Exposition et réexposition en dressent un portrait dans l’imperfection du réel, puis dans la perfection d’une union fantasmée devenue réalité. Si les premières notes sont empreintes d’une candeur toute galante, c’est un roi de Chypre en proie à une certaine mélancolie qui nous est dépeint plus avant. Nous le voyons s’affairant à son art, donnant à l’ivoire forme humaine, s’éprenant bientôt de sa création ; il n’en faut pas plus à l’artiste pour succomber au fantasme, et voir en son œuvre l’idéal que la nature dédaigne. Galatée est née, mais ne vit que dans l’esprit de son créateur, d’où le décalage qui s’exprime en musique par l’écart des tonalités. Il ne reste plus alors que se donnent à nos sens le désespoir du sculpteur face à la réalité qui s’impose, puis son imploration de la déesse Vénus, pour que prenne enfin chair et s’anime la statue d’ivoire, et que sous nos pieds se dérobent les derniers vestiges de la vraisemblance. En outre, la métamorphose représentée sous le pinceau de François Lemoyne l’est par la section la moins classique de la pièce musicale, où je crois m’être risqué à quelques modulations audacieuses. Se donnent enfin à nos oreilles l’union passionnée et fusionnelle de Pygmalion et Galatée, qui se manifeste symétriquement en musique par l’union de leurs motifs respectifs, suivie de leur réexposition.

Un amour qui laisse de marbre, une statue qui prend chair ; ces vicissitudes de la vie d’un héros grec sont bien trop peu « mono-cordes » pour ne pas en mériter au moins quatre ! Qu’on ne s’étonne donc pas de voir narré de mythe le Pygmalion et Galatée par un quatuor à cordes."

Publié le : 19/07/2019 à 15:21
Mise à jour : 25/07/2019 à 21:51
Auteur : L'équipe Gounod Blaster
Catégorie : Découverte

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