Plume le vagabond

Interview d'un troubadour

On est sur les quais la veille de la pré-rentrée, tranquillement en train de discuter avec Aurélien et Zao quand viennent deux gars avec leur vie sur les épaules. L’un deux, Plume, a une guitare. Il joue, il chante, on discute pas mal. Au fil de la discussion on se dit qu’il serait sympa d’en faire une interview improvisée.

Gounod Blaster : Pourquoi « Plume » ?

Plume : En fait on a un prénom que nous donnent nos parents mais ça représente tout un paradigme judéo-chrétien. Donc on n’est pas obligé de le garder si on n’en veut pas vraiment : libre à chacun d’avoir un nom de voyage, un nom de scène, un nom d’amour, un nom de guerre, un nom de paix… Les indiens faisaient ça très bien ! Arrivés à leur parcours initiatique ils changeaient de nom en fonction de ce qu’ils voulaient être, de ce qu’ils étaient… Donc je m’appelle Plume depuis l’année dernière.

GB : Qu’est-ce que tu fais dans la vie ?

P : Je me suis découverts une vocation de troubadour récemment : je voyage au gré des envies et je me suis mis à jouer de la musique, à faire quelques compos… Ça fait 5 ans que je fais de la gratte et j’ai commencé à chanter dans la rue. Avant de commencer à chanter on me disait « arrête de chanter, c’est horrible », ça n’allait pas quoi, et maintenant mon but c’est d’amener de la « vraie » musique aux gens, contrairement à tout ce qui est numérique, et montrer que la musique c’est aussi la vie : ça se passe dans la rue, ce n’est pas que « artificiel » Mon but final c’est d’apporter de l’amour et de la douceur aux gens, de les faire sourire, de leur dire des trucs qu’ils n’entendent pas forcément souvent. Donc quand je les vois, je balance des trucs, j’improvise, je trouve des rimes dès que joue, comme s’il y avait un déclic !

GB : Ça fait combien de temps que tu es dans la rue ?

P : Ça fait un an que je suis parti, j’ai fait un long périple de 1500km à pieds, à travers champs à la boussole, j’ai fait Dijon  Bergerac  Brest, je me suis dépensé, je me suis libéré de plein de standards de confort, des conditionnements de la vie… Je n’ai maintenant besoin que de manger, je n’ai plus trop besoin de fumer… Après, c’est bien de s’arrêter chez les gens de temps en temps mais je n’ai plus besoin d’une douche absolument, de téléphone, etc.

GB : Donc ça t’apporte quoi la musique dans tout ça ?

P : La musique c’est un peu ma thérapie, j’ai découvert ma voie par la musique. Ça m’apporte un bonheur incroyable et c’est ça aussi qui me permets de faire passer du bien aux gens : je donne une partie du bien, que je me fais à moi, aux gens. Mais il faut avoir une limite entre ce que tu peux donner sans trop en perdre, une limite sur laquelle je suis en train de bosser en ce moment.

GB : C’est plutôt quelqu’un de ta famille, de tes amis, un groupe, un artiste qui t’as fait aimer la musique et qui t’as donné envie d’en faire ?

P : Mon père fait de la musique, mon frère est musicien pro (variété/rock/festif), mais moi je n’avais pas de prédispositions pour en faire à la base… Sinon je m’inspire peut-être du reggae français à la Tryo, le rythme vient tout seul au bout de mes doigts, j’en ai pas mal écouté gamin. Après j’essaie de faire ce que je peux avec ce que j’entends.

GB : Qu’est-ce que tu veux apporter aux gens que tu rencontres, comme tu as rencontré nous par exemple ?

P : Je ne sais pas, j’essaie de trouver un lien entre les gens. Le monde, tel qu’il est, ne me va pas et il y a plein de gens pour lesquels ça ne va pas et tout le monde se croit tout seul à être dans ce cas. Donc moi j’essaie d’aller de lieu en lieu et de faire le lien entre tout ça. Sinon je crois à pas mal de trucs, comme les énergies par exemple, et j’essaie de repérer les gens à leur aura : « qui c’est qui a l’air d’être cool ou pas ? » et ça marche assez bien. Quand on est arrivés là, les gens ne se sont pas du tout écartés, certains ont formé un bloc, puis en arrivant vers vous, vous nous avez dit direct « allez-y posez-vous ! », enfin vous étiez plus cool quoi, plus dans l’accueil, c’est un peu ça que je cherche. On est souvent seuls sur la route, j’essayais de chercher ma solitude en marchant, je l’ai trouvée et ça reste cool d’être avec des gens, là on passe un super moment : on fait de la musique, on apprend des trucs, on discute.

GB : Sur quels thèmes tu t’appuies pour chanter ?

P : Mes textes sont parfois politiques, j’ai une chanson d’amour, je vais faire des chansons sur la rue, sur le voyage je pense. Je vais faire une chanson sur le bruit de la ville, parce que quand tu dors dehors c’est un truc de fou, il y a du bruit tout le temps : des bagnoles, des gens, des klaxons, le bruit des néons, t’as de la lumière dans gueule, le sol est dur… donc j’aimerais bien écrire un truc un peu vénère là-dessus. Des fois je me dis : « qu’est-ce que je fous en ville ? ». Pourquoi tout le monde est ville ? C’est parce qu’on cherche tous à être proches des autres. Plus on est nombreux et plus on cherche à être ensemble et à s’éviter en même temps : Dans les rues, les gens passent, en évitant à tout prix de s’arrêter, et en veulent sortir de cet énorme regroupement d’humains. On est dans un truc hyper paradoxal. Donc il y a des gens qui trouvent des alternatives : vivre en plus petits groupe, en communauté, selon les affinités. Je m’attache à mon idée d’être troubadour pour ne pas être juste un zonard, un simple clodo, je suis un clodo troubadour, comme ça tu n’es pas perdu face à toi-même, t’as une mission, je ne picole pas, j’ai ma gratte !

GB : Merci à toi pour tout ça Plume !

Article écrit en octobre 2018

Publié le : 01/06/2019 à 17:49
Mise à jour : 01/06/2019 à 17:57
Auteur : Nina Carré
Catégorie : Interviews

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