La musique dans le cinéma muet

La musique et sa relation avec les autres arts


Depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à 1914, on entendait beaucoup de bruits dans les cinémas lors des projections : des cris, des applaudissements, des machines à vapeur, de la vaisselle, ou encore, un piano. Tout ceci, entre autres, constituait l’accompagnement sonore des films muets. Il n’y avait pas de « salles de cinéma » à proprement parler. En fait, les débuts du cinéma en salle seraient comparables aux débuts du concert en Europe jusqu’au début du XIXe siècle. En effet, les projections se passaient dans des salles inadaptées au cinéma, ce qui incluait une piètre acoustique, les spectateurs parlaient entre eux pendant les séances et pouvaient manifester leur joie, notamment. A partir de 1914, les films se généralisent progressivement mais, avec la guerre, les projections de films sont interrompues en France pendant quelques mois et les films américains prennent le dessus.


La musique est apparue plutôt « naturellement » dans les salles de cinéma, en effet, avant son apparition, les spectateurs pouvaient chanter entre les séances, son arrivée était donc inévitable. De plus, selon certains, la musique a été créée pour pouvoir couvrir le bruit des projecteurs et des spectateurs qui discutent entre eux, cependant, certains (cf. Martin Barnier, Bruits, cris, musiques de films. Les projections avant 1914, 2010) pensent que la musique n’est pas apparue pour couvrir le bruit, puisque, lors des premières séances, les pianos jouaient seulement avant et après la projection. En fait, les projections complètement muettes, sans accompagnement, n’étaient sûrement pas rares, les bruitages étaient réalisés par un bruiteur « à la bouche », le pianiste n’était alors pas là pour accompagner le film.

Sherlock JuniorLes accompagnements étaient d’abord constitués d’extraits d’opérettes et de morceaux classiques. Avant 1914, les pianistes, ou les orchestres, pouvaient jouer pendant la projection (Buster Keaton l’illustre dans son film Sherlock Junior, 1924), les producteurs leur donnant des informations afin de renforcer l’atmosphère du film. Pour les thèmes, il en était autrement : la musique était préalablement composée. Pour ce qui est de l’orchestration, certaines villes pouvaient se permettre d’avoir un orchestre fixe, pour les autres, la plupart utilisait des pianos, parce que les grandes formations étaient trop grandes et peu rentables. De plus, le piano permet, à lui seul, une polyphonie et un grand ambitus, de quoi couvrir un certain nombre d’intrigues de films plutôt courts. Cependant l’état des pianos variait : dans les cinémas de quartier, il n’était pas inhabituel de trouver des pianos désaccordés.

Pour certains films, la musique devait être improvisée suivant les actions des personnages, suivant leurs émotions. Les modes et les nuances changeaient en fonction de la situation du personnage principal, notamment. Le registre musical pouvait également différer selon le sujet et le contexte historique du film, par exemple, Le Mécano de la « Général », de Buster Keaton, est un film dans lequel un mécanicien d’une locomotive veut s’engager au début de la guerre de Sécession pour satisfaire celle qu’il aime. Ce film se situe dans un contexte militaire : l’orchestration est alors constituée, pour la plupart du film, de cuivres, qui dominent, et le tempo y est très soutenu avec un son plutôt fort. Le rythme suit donc la cadence de l’action des personnages, la musique crée une continuité entre les différentes scènes, elle raconte elle-même une histoire, elle pourrait probablement se satisfaire à elle-même.


L’histoire du cinéma muet est plutôt complexe, son accompagnement musical suscite aujourd’hui des débats entre les spécialistes, mais, la musique en elle-même est plutôt simple dans sa structure, ce qui la rend accessible à tous. Le cinéma muet est-il pour autant un genre accessible ?  Seules les images, et quelques dialogues importants, nous sont accordés pour comprendre l’intrigue. Nous permet-il alors de comprendre ses enjeux plus implicites ? Alors que sa période de prédilection se situe entre 1891 et 1936, est-il plus facile à saisir que certains films d’aujourd’hui qui poussent l’intrigue à son paroxysme ?

 

Publié le : 20/11/2018 à 15:14
Mise à jour : 01/06/2019 à 16:38
Auteur : Nina Carré
Catégorie : La musique et les autres arts

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